Pourquoi avons-nous les genoux écartés en seiza ?

À vrai dire, je n’en sais rien. Presque tous les autres styles s’assoient les genoux serrés, ce qui est la façon normale de s’asseoir au Japon. Même de nombreux groupes Shotokaï au Japon font seiza les genoux serrés.

Maître Murakami est-il à l’origine de cette façon de faire et si oui, pourquoi, je ne lui ai jamais posé la question. Si donc quelqu’un a des lumières sur la question, qu’il nous en fasse part.

Ceci étant dit, en plus du côté esthétique, nous pouvons trouver quelques raisons de faire ainsi.

La première, et certainement la raison principale, est l’assouplissement du bassin qu’elle entraîne. Les européens ont très nettement un déficit de souplesse du bassin par rapport aux asiatiques. Ceci est principalement dû à un problème de civilisation. L’utilisation de la chaise en occident fait que nous nous asseyons tous rarement par terre et que nous nous tenons jamais accroupis.

Au Japon dans de nombreux restaurants les repas se font en seiza. La première fois que j’ai mangé ainsi dans un restaurant Japonais, ce fut en 1978, lors du dernier voyage de Maître Egami en France. Nous étions quelques élèves très impressionnés de dîner avec le fondateur du Shotokaï, accompagné de son assistant, Maître Myamoto et de Maître Murakami. Nous nous étions d’emblée installés dans un magnifique seiza, le plus ouvert possible. Avec le temps, la position devint pénible puis franchement douloureuse.

Les Japonais en face de nous se tenaient décontractés tandis que nous étions figés dans notre posture bien décidés à nous montrer des vrais samouraïs insensibles à la douleur. Mais au bout d’un certain temps (trois quarts d’heure ou une heure) celle-ci devait se lire sur notre visage et Maitre Egami intervient auprès de Maitre Murakami qui nous « permit » de bouger. Pour ne pas perdre la face, et aussi parceque nous étions complètement ankylosés, nous attendîmes encore quelques minutes pour cesser le supplice.

Si j’avais réfléchi plutôt sur le seiza, je me serai évité cette douloureuse épreuve. Mais d’un autre côté, comme à cette époque je faisais des séances de seiza composés entre vingt et trente minutes dans le seul but d’avoir les fesses qui touchent bien le sol, ce ne fut qu’un entraînement un peu plus long que d’habitude.

Maître Murakami disait souvent que le seiza permettait de progresser en souplesse de bassin pour les yoko geri. C’est vrai que l’on peut constater une corrélation, même s’il y a des exceptions, entre la souplesse seiza et celle du yoko geri.

Seiza jambes écartés me paraît donc un bon exercice d’assouplissement des hanches, à condition de ne pas trop creuser le dos mais de rechercher plutôt dans cette position une détente globale.

D’autre part, comme seiza est la posture pour le mokuso (instant de méditation avant le salut) l’ouverture du bassin dans cette posture peut être rapprochée de celle du zazen dans la médiation Zen.

L’ouverture des jambes en seiza donne une grande stabilité au sol, mais est-ce martialement la meilleure position ? On peut s’interroger quand on voit les postures maintenues dans les livres anciens, ou le seiza des initiés. Non seulement ils sont assis genoux serrés, mais ils ont aussi le dos légèrement arrondi au niveau des lombaires.

Esthétiquement, c’est moins majestueux mais incontestablement plus propice au mouvement. Car les arts martiaux sont avant tout des arts du mouvement où la meilleure position est celle qui permet de bouger le plus rapidement possible.

Je me souviens que la première fois où j’ai vu un grand maître assis genoux serrés et légèrement ramassé sur lui même, j’avais trouvé cela bizarre et pas très beau, habitué que j’étais à notre position très droite. Mais à l’analyse c’est sa position qui était juste. A-t-on jamais vu un fauve par exemple se cambrer avant de bondir?

En conclusion, gardons le seiza genoux écartés pour le cérémonial du salut et comme exercice d’assouplissement du bassin, mais adoptons la position genoux serrés et dos détendu, martialement plus juste pour tout exercice dans cette position.

© Copyright Patrick Herbert, directeur technique Shotokaï Europe, février 2004